• LE CHAT DANS LA LITTERATURE ETRANGERE

    "Les chats offrent aux écrivains quelque chose que les humains ne savent pas offrir : une compagnie qui n'est ni revendicative, ni dérangeante, et qui est aussi apaisante et changeante qu'une mer très calme."
    Patricia Highsmith

    L'écrivain, poète, romancier, et nouvelliste américain EDGAR ALLAN POE (1809-1849) a utilisé le chat noir, annonciateur de mauvais présages dans l'univers fantastique, dans une célèbre nouvelle intitulée tout simplement "Le chat noir", publiée en 1843. Le narrateur, un homme qui avait toujours aimé les animaux, se met à haïr un chat dès lors que son épouse s'attache à l'animal. Son obsession pour le chat devient malsaine et le pousse à torturer et à tuer le félin et à assassiner sa femme. Il sera puni...grâce au chat.

    CHARLES DICKENS (1812-1870) fut un grand amateur de chats. Il fit figurer de nombreux félins dans ses livres et en possédat plusieurs. Sa fille Mary "Mamie" Dickens raconte plusieurs anecdotes relatant la relation entre son père et les chats.  

    Extrait de "Mon père tel que je m'en souviens" :  

    "Je me souviens du jour où [Williamine] nous présenta ses chatons. Elle sélectionna un coin du bureau de mon père pour les y installer, puis les apporta un par un, depuis la cuisine, et les déposa dans le coin choisi." Dickens fit déplacer les chats mais la chatte ramena ses petits à nouveau un par un dans le bureau. A la troisième tentative, "au lieu de mettre les chatons dans un coin de la pièce, elle les plaça aux pieds de mon père, puis s'installa et lui lança un regard si implorant qu'il ne put résister et les autorisa à rester."  

    Un des chatons de Williamine fut baptisé "le chat du maître" car il se tenait toujours auprès du romancier quand celui-ci travaillait. Un soir, alors que Dickens écrivait à son bureau en compagnie de son chat, la bougie s'éteignit. "Mon père ralluma la bougie,caressa le chat qui le regardait avec un air pathétique, et poursuivit sa lecture. Quelques minutes plus tard, alors que la lumière semblait baisser, il leva les yeux juste pour voir le chat éteindre délibérément la chandelle d'un coup de patte, avant de lui lancer un regard implorant... et le chat reçut les caresses qu'il désirait tant."

    Charles Dickens, amoureux des chats.

    Parmi les "Histoires comme ça", RUDYARD KIPLING (1865-1936) raconte celle du "chat qui s'en va tout seul". Le chien et le cheval se laissent domestiquer contre de la nourriture. Le chat se montre plus rusé.

    L'un des plus grands dramaturges américains, TENNESSEE WILLIAMS, met en scène des personnages fragiles, souffrant de solitude, et victimes d'un système social impitoyable. Il écrit sur l'incompréhension, la frustration, la culpabilité, sur l'homosexualité et les névroses, faisant de ses personnages des martyrs expiant toutes les contradictions sociales.  

    Dans sa nouvelle "Malédiction", parue dans "Le boxeur manchot", Tennessee Williams conte le destin tragique de Lucio, un ouvrier qui perd son travail à l'usine, qui est congédié par sa logeuse, et dont la chatte Nitchevo disparaît. Lucio la retrouve blessée à mort. Il ne veut pas lui survivre.

    Tennessee Williams
    Tennessee Williams
    Dans un autre genre, PATRICIA HIGHSMITH (1921-1995), romancière américaine auteur de romans policiers tirant parfois sur le fantastique, célèbre le chat dans un recueil de nouvelles paru en 2005, "Des chats et des hommes".

    Voilà le félin personnage de fiction, inspirateur de poème, sujet d'étude, modèle d'artiste.

    Le Nouvel Obs : "On connaît la passion de Patricia Highsmith pour les chats, et en particulier les chats siamois, qui lui étaient "aussi indispensables que l'air que je respire". C'est en les observant chaque jour qu'elle a eu l'idée de ces petits contes épatants. Du travail d'orfèvre, comme toujours. " (Avril 2007)

    Libération : "Cet étrange petit volume comprend un court essai où Patricia Highsmith écrit "qu'un chat fait qu'une maison est un foyer"(...) et trois poèmes qui donnent l'impression que le chat est la divinité bienfaisante de la vie domestique. Impression explosée par la lecture des trois nouvelles." (Avril 2007)

    Madame Figaro : "Avec ce recueil inquiétant qui est aussi un hommage à ses félins bien-aimés, Patricia Highsmith fait rôder une angoisse feutrée sans que l'on sache, du chat ou de l'homme, qui est la proie et qui est le prédateur." (Juin 2007)

    Patricia HIGHSMITH vouait une passion débordante aux chats, préférant leur compagnie à celle des humains pour pouvoir écrire sans être dérangée. Elle note dans "Des chats et des hommes" : "Un chat fait qu'une maison est un foyer. Un écrivain n'est jamais seul avec un chat, tout en étant suffisamment seul pour pouvoir travailler. Qui plus est, qu'il déambule ou qu'il dorme, un chat est une oeuvre d'art vivante, en perpétuelle métamorphose."

    Un autre recueil de 10 nouvelles est paru en 1981 : "La proie du chat". Dans le premier texte, un chat introduit le mystère et l'horreur dans une paisible réunion amicale.

    Sources :
    Edgar Allan POE, Le chat noir et autres nouvelles, J'ai Lu, Collection Librio, 2004.
    Rudyard KIPLING, Histoires comme ça, Gallimard, Folio Junior, 1999
    Tennessee WILLIAMS, Le boxeur manchot, Robert Laffont, Pavillons poche, 2006
    Tennessee WILLIAMS, La chatte sur un toit brûlant, 10/18, 2003
    Patricia HIGHSMITH, Des chats et des hommes, Calman-Levy, 2007
    Patricia HIGHSMITH, La proie du chat, LGF, Livre de poche, 1983.


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  • LE CHAT ET LES POETES

    "Hautain, libre, mystérieux, voluptueux, babylonien, impersonnel, il est l'éternel compagnon de la supériorité et de l'art - incarnation de la beauté parfaite et frère de la poésie - le chat doucereux, grave, savant et patricien."
    H.P. Lovecraft (1890-1937)

    Nombreux sont les poètes qui ont écrit sur les chats. Je n'ai retenu ici que les poèmes qui me plaisent particulièrement.

    Le plus célèbre poète ayant les félins comme source d'inspiration reste sans doute CHARLES BAUDELAIRE (1821-1867). Dans "Les fleurs du mal", il écrit plusieurs textes à leur propos.

    LES CHATS
    Les amoureux fervents et les savants austères
    Aiment également, dans leur mûre saison,
    Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
    Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

    Amis de la science et de la volupté,
    Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
    L'Èrèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
    S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

    Ils prennent en songeant les nobles attitudes
    Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
    Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;

    Leurs reins féconds sont pleins d'étincelles magiques,
    Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
    Ètoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

    LE CHAT
    Dans ma cervelle se promène,
    Ainsi qu'en son appartement,
    Un beau chat, fort, doux et charmant.
    Quand il miaule, on l'entend à peine,

    Tant son timbre est tendre et discret;
    Mais que sa voix s'apaise ou gronde,
    Elle est toujours riche et profonde.
    C'est là son charme et son secret.

    Cette voix, qui perle et qui filtre
    Dans mon fonds le plus ténébreux,
    Me remplit comme un vers nombreux
    Et me réjouit comme un philtre.

    Elle endort les plus cruels maux
    Et contient toutes les extases;
    Pour dire les plus longues phrases,
    Elle n'a plus besoin de mots.
    Non, il n'est pas d'archet qui morde
    Sur mon coeur, parfait instrument,
    Et fasse plus royalement
    Chanter sa plus vibrante corde,

    Que ta voix, chat mystérieux,
    Chat séraphique, chat étrange,
    En qui tout est, comme en un ange,
    Aussi subtil qu'harmonieux !
    "Le chat", section I, Les fleurs du mal.

    De sa fourrure blonde et brune
    Sort un parfum si doux, qu'un soir
    J'en fus embaumé, pour l'avoir
    Caressée une fois, rien qu'une.

    C'est l'esprit familier du lieu ;
    Il juge, il préside, il inspire
    Toutes choses dans son empire ;
    Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

    Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime
    Tirés comme par un aimant,
    Se retournent docilement
    Et que je regarde en moi-même,

    Je vois avec étonnement
    Le feu de ses prunelles pâles,
    Clairs fanaux, vivantes opales,
    Qui me contemplent fixement.

    "Le chat", section II, Les fleurs du mal.


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  • CHARLES CROS (1842-1888), poète et inventeur, parla lui aussi du chat dans son oeuvre poètique, qui tient, pour l'essentiel, en deux recueils : "Le coffret de santal" (1873) et "Le collier à griffes" (publié en 1908, soit 20 ans après sa mort).

    A UNE CHATTE
    Chatte blanche, chatte sans tache,
    Je te demande, dans ces vers,
    Quel secret dort dans tes yeux verts,
    Quel sarcasme sous ta moustache.

    Tu nous lorgnes, pensant tout bas
    Que nos fronts pâles, que nos lèvres
    Déteintes en de folles fièvres,
    Que nos yeux creux ne valent pas

    Ton museau que ton nez termine,
    Rose comme un bouton de sein,
    Tes oreilles dont le dessin
    Couronne fièrement ta mine.

    Pourquoi cette sérénité?
    Aurais-tu la clé des problèmes
    Qui nous font, frissonnant et blèmes,
    Passer le printemps et l'été?

    Devant la mort qui nous menace,
    Chats et gens, ton flair, plus subtil
    Que notre savoir, te dit-il
    Où va la beauté qui s'efface,

    Où va la pensée, où s'en vont
    Les défuntes splendeurs charnelles? ...
    Chatte, détourne tes prunelles;
    J'y trouve trop de noir au fond.

    Le coffret de santal


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  • PAUL ELUARD (1895-1952), pilier du surréalisme, a aussi sa vision du chat :

    CHAT
    Pour ne poser qu'un doigt dessus
    Le chat est bien trop grosse bête.
    Sa queue rejoint sa tête,
    Il tourne dans ce cercle
    Et se répond à la caresse.

    Mais, la nuit l'homme voit ses yeux
    dont la pâleur est le seul don.
    Ils sont trop gros pour qu'il les cache
    Et trop lourds pour le vent perdu du rêve.

    Quand le chat danse
    C'est pour isoler sa prison
    Et quand il pense
    C'est jusqu'aux murs de ses yeux.


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  • Le chat fait également partie de l'univers de JACQUES PREVERT (1900-1977) :

    LE CHAT ET L'OISEAU
    Un village écoute désolé
    Le chant d’un oiseau blessé
    C'est le seul oiseau du village
    Et c’est le seul chat du village
    Qui l'a à moitié dévoré
    Et l'oiseau cesse de chanter
    Le chat cesse de ronronner
    Et de se lécher le museau
    Et le village fait à l'oiseau
    De merveilleuses funérailles
    Et le chat qui est invité
    Marche derrière le petit cercueil de paille
    Où l’oiseau mort est allongé
    Porté par une petite fille
    Qui n’arrête pas de pleurer
    Si j’avais su que cela te fasse tant de peine
    Lui dit le chat
    Je l’aurais mangé tout entier
    Et puis je t’aurais raconté
    Que je l’avais vu s'envoler
    S'envoler jusqu’au bout du monde
    Là-bas où c'est tellement loin
    Que jamais on n'en revient
    Tu aurais eu moins de chagrin
    Simplement de la tristesse et des regrets

    Il ne faut jamais faire les choses à moitié.

    Histoires et d'autres histoires.


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